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Un article rédigé après la lecture de l’essai « Au Nom des Requins » de François Sarano
Selon le Docteur en océanographie François Sarano, le requin est un symbole du sauvage qui échappe à nos règles, symbole de tous ceux qui sont différents par leurs manières de vivre, leurs traditions, leurs religions, leurs cultures.
La plupart des humains, surtout ceux qui n’ont jamais l’occasion d’approcher les requins, restent convaincus qu’ils sont des mangeurs d’hommes et que leur élimination est une « bonne chose ».
Pourtant… il n’en est rien. Il est donc essentiel de nous interroger sur le statut du requin en tant que personne non humaine et sur son droit d’existence. Il faut repenser globalement sa place et notre place au cœur de l’écosystème mondial.
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1. Un requin absent de notre culture occidentale
Le requin est un animal « connu-de-tous« . Pourtant, en avons-nous seulement rencontré un dans notre vie ?
Pourquoi le requin nous semble t-il si familier ?
En Occident, nous ne trouvons aucune trace de requin : ni dans nos légendes, ni dans nos mythes. A l’exception de la légende grecque de Lamia, fille de Poséidon, changée en requin par Zeus afin qu’elle puisse se venger du massacre de ses enfants en dévorant les autres.
2. Une grande méconnaissance du monde marin
Pendant des siècles suivants, les connaissances évoluent très peu car les philosophes et les érudits ne sont pas des marins.
La connaissance du monde marin va même régresser drastiquement au Moyen-Age. A cette époque obscurantiste, la Terre est considérée comme étant plate. Elle n’est plus qu’un disque dont la partie terrestre centrale est cernée par l’océan, à la frontière duquel on tombe dans « l’au-delà ».
En 1539, l’archevêque suédois Olaus Magnus dresse sa carte Carta Marina et offre un bestiaire insolite marin. Les requins y sont, encore une fois, absents. Par contre – rassurons-nous – nous y retrouvons bien les sirènes, cochons marins, licornes, kraken, et dragons.
La carte étant présentée comme une référence scientifique incontestable, la frontière entre réel et imaginaire est confuse.
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3. Le requin dans l’ombre du loup…
En Europe, c’est le loup qui est omniprésent et le grand (et terrifiant) maitre des histoires populaires.
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Pourtant, au XIXe les citadins occidentaux vont découvrir le bestiaire phénoménal de Herman Melville (Moby Dick), la pieuvre géante de Victor Hugo (Les Travailleurs de la Mer) ainsi que la terrible pieuvre de Jules Verne (20 000 Lieues sous les Mers).
Ces épopées très populaires enflamment les lecteurs mais ne suscitent pas la terreur car ces animaux restent bien loin des citadins et des paysans… Contrairement au loup, qui lui est bien présent sur les terres européennes.
Mais au XXe, l’essor des grandes villes a pour effet de repousser les bêtes sauvages hors des territoires civilisés qui ne menacent donc plus les hommes. Il faut trouver des bêtes de substitution… Pour créer une vraie psychose, les créatures doivent faire irruption dans le quotidien des gens ordinaires.
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4. Le requin propulsé par la télévision
Le Juillet 1916, sur les côtes du New Jersey, 4 personnes sont tuées par des attaques de requins en seulement 15 jours. Les accidents sont largement médiatisés et déclenchent une vague de panique aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde. Les autorités organisent des campagnes de pêche légales pour éradiquer les requins des côtes.
L’extrême médiatisation bouleverse l’opinion publique qui, jusque-là, pensait les requins inoffensifs. Les caricaturistes de presse vont utiliser l’image du requin pour symboliser l’horreur et la perversion.
En 1956, le commandant Cousteau veut conquérir la mer. Le Calypso et les requins jouissent de l’essor formidable de la télévision qui entre dans chaque foyer. Les requins deviennent de vrais stars médiatiques et envahissent les rayons de jeux de plage.
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5. Attention : requin dévoreur d’humains !
C’est Steven Spielberg qui retirera définitivement tout le capital sympathie des requins, avec son film à (très) gros succès Les Dents de la Mer (1974). Le requin répond à l’image que les scientifiques behavioristes se font de ces êtres vivants : des automates répondant de manière standardisée aux stimuli du milieu pour satisfaire leurs besoins vitaux.
Le requin n’est rien de plus qu’une machine à tuer.
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6. De plus en plus loin du réel
De plus, le Grand Blanc (star du Cinéma) incarne à lui tout seul les 536 espèces de requins et nous fait vivre tous nos fantasmes.
Ce requin symbolique colle au concept de fonctionnalisation du vivant qui veut préserver les services rendus par le vivant (ici : susciter le grand frisson), quitte à sacrifier la diversité des espèces en cas de redondance.
C’est une simplification iconique qui efface le réel.
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Pire encore, dès les années 2000, nous assistons à la caricature des requins par les studios Pixar et Dreamworks, qui présentent dans leurs films d’animation des requins désormais « gentils » et parfois même végétariens.
Cette représentation erronée renforce le malentendu et augmente encore le décalage entre le réel de la vie sauvage et celui des citadins « hors-sol » qui ne connaissent plus les animaux.
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La justesse des observations biologiques qui servent de base aux personnages et au décor crée la confusion dans l’esprit du public qui leur reconnait un caractère pédagogique. La Nature est mystifiée voire aseptisée. Elle répond désormais à l’archétype d’une Nature-décor qui est là pour satisfaire à nos attentes.
La plus grande manifestation d’effacement du réel reste le clip Baby Shark vu plus 10 milliards de fois sur Youtube.
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Pour conclure…
La terreur des requins nait de la concordance de 3 facteurs : la découverte des fonds marins, la disparition des autres bêtes sauvages et la mondialisation médiatique.
Une contre vérité répétée mille fois devient une vérité et s’impose comme un paradigme que beaucoup de scientifiques ne remettent même plus en cause. Malgré la preuve du contraire… Les retours d’expériences de plongeurs qui croisent les requins ne suffisent plus à convaincre le public, ni les scientifiques.
Il est grand temps de médiatiser la réalité : le requin est aujourd’hui une espèce menacée, plus en danger que dangereuse… C’est en nous documentant, en changeant nos points du vue que nous pourrons peut-être faire basculer l’opinion publique. Et ce changement de paradigme peut être insufflé dès les bancs de l’école !
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En lien avec les programmes du cycle 2
QLM : Comment reconnaître le monde vivant ?
– Identifier les interactions des êtres vivants entre eux et avec leur milieu : les chaines de prédation et interdépendances des espèces.
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En lien avec les programmes du cycle 3
1. SCIENCES : Classer les organismes, exploiter les liens de parenté pour comprendre et expliquer l’évolution des organismes
– Identifier les changements des peuplements de la Terre au cours du temps : la biodiversité.
– Appréhender les différentes échelles de temps : l’échelle des temps géologiques (notion de temps long) et celle de l’histoire de l’être humain récemment apparu sur Terre.
2. SCIENCES : Mettre en évidence l’interdépendance des différents êtres vivants dans un réseau trophique
– Relier la production de matière par les animaux et leur consommation de nourriture provenant d’autres êtres vivants
3. SCIENCES : Identifier des enjeux liés à l’environnement
– Répartition des êtres vivants et peuplement des milieux
– Conséquences de la modification d’un facteur physique ou biologique sur l’écosystème.
– La biodiversité, un réseau dynamique.